Live d’Embrunman

Merci Thierry EHRHART de t’avoir tant livré sur ton récit

Numéro 5

Un nouveau départ … ou presque

Un an jour pour jour avant l’échéance, donc lors de l’édition 2014 de l’Embrunman. C’est à cette date que je retrouve trace de mon envie renouvelée d’affronter ce parcours de légende, parcours qui m’a pourtant déjà tant fait souffrir …certaines choses ne s’expliquent pas, en tout cas pas de manière rationnelle.

Pourtant le chemin jusqu’au 15 août 2015 fut bien long et mouvementé. Pour rappel, j’avais très fortement relaché mes entrainements suite à ma saison 2013 conclue par mon premier passage sur la ligne d’arrivée à ce même Embrunman. Le bilan à l’époque était simple: plus d’envie, de l’usure suite à 4 années successives sur la distance IM … en gros le besoin de passer à autre chose. 2014 a donc été l’année de l’aération, du relâchement. Mon année n’a pas été inactive, loin de là. Je l’ai ponctuée de (très nombreux) kilomètres à vélo mais sans aucun objectif de performance ainsi que de séances plus ludiques en salle de fitness, histoire de s’entretenir un minimum. Par contre, pas l’once d’une envie de nager ou de s’entraîner sérieusement.

Pour couronner le tout, je termine 2014 sur un échec cuisant sur le XL de Gérardmer (et oui, j’ai mis 1 ou 2 dossards en 2014), épreuve sur laquelle je voulais me relancer en vue de 2015. Bilan 2014 conclu sur le bitume vosgien, épaule luxée, scaphoide abimé … l’hiver s’annonçait radieux !

Un hiver calamiteux

L’automne au repos forcé par la faute à mes mésaventures Gérômoises, j’entame l’hiver sans grande ambition. Du coup la reprise se fait via la salle de fitness, la mobilité et la stabilité de l’épaule reviennent lentement. Le scaphoïde fait encore mal, mais uniquement sur des poses spécifiques. Ca ne parait pas, mais le mouvement de crawl reste impossible … A ce moment de l’année, Embrun me semble bien loin, tant les priorités sont plus globales afin de redémarrer tout le système.

Vers février, je me sens enfin prêt pour un nouveau départ. Je me présente donc à plusieurs séances nat du club … le moins que je puisse dire, c’est que ça a piqué sévère: pas moyen de retrouver des sensations dans l’eau, pas moyen de s’accrocher dans la ligne d’eau, tout le monde me semble hyper à l’aise et motivé … en gros ça met le doute. Ca l’a d’ailleurs tellement mis que je n’y suis pas retourné de l’hiver.

La suite de mon hiver galère se fera donc au rythme des séances à la salle de fitness, en espérant des jours plus souriants.

Le déclic

Pendant mon hiver plein de doutes je ne perds cependant pas de vue l’été qui se profile. Malgré le manque cruel d’entrainement, de rythme, de réussite aussi je m’inscris pour une semaine de stage au sein de la très belle structure proposée par Gaël Mainard à Calella en Catalogne. Mon hiver se terminant comme il a commencé, je m’y rendrai avec une base de préparation à vélo et … pas grand chose d’autre. Si je me sens prêt pour me remettre la tête dedans, à m’appliquer à progresser, je sais par avance que ce sera dur.

Le 11 avril arrive donc rapidement. Je me rends à ce stage tant attendu le plus humblement du monde, sachant que le niveau y est généralement hétéroclite mais aussi très élevé selon les groupes. La liste des participants à elle seule annonce la couleur: Cyril Viennot, Guillaume Jeannin, coaching par Patrick Bringer … du lourd, et surtout du qualitatif !

Bilan de cette semaine: des difficultés à se mettre dans le rythme, mais beaucoup de satisfaction et un moral boosté grâce à la tendance positive enfin engagée. Une bonne trentaine d’heures d’entraînement au soleil qui auront eu pour effet de me redonner confiance et envie.

Retour en Alsace: je m’inscris immédiatement pour l’Embrunman et mets en place les bases pour m’entraîner au mieux et progresser dans les 3 disciplines.

Printemps studieux

A partir de là, j’ai commencé à faire le boulot pour me mener dans les meilleures conditions à Embrun. Objectifs: reprendre les séances nat de manière régulière et sérieuse, progresser impérativement à pied et pour cela intensifier le travail qualitatif, et enfin tenter de hausser mon niveau à vélo à partir de juillet en y incluant également du travail spécifique.

… Fast forward …

Semi des Courses de Strasbourg: 1h28min et premiers fruits tirés de la nouvelle organisation

Half d’Obernai: 23ème, sous les 5h pour ma reprise en tri

Stage orienté vélo à Embrun: dur dur et tombé malade, mais on ne s’affole pas !

Sprint de Grossweier: 13ème … la vitesse est revenue

Cyclos de La Marmotte, en forêt noire et dans les Vosges: la constance revient à vélo

Mois de juillet très studieux avec un bloc très éprouvant de 4 semaines mêlant intensité et volume

… et voilà, on y est déjà …

L’avant course

Arrivée le mercredi à Embrun pour une course le samedi: pas de stress (enfin presque).

On cligne des yeux et ça y est, le réveil sonne. Il est 3h15min, nous sommes le samedi 15 août. Plus moyen de reculer !

La nuit a été chaotique, mais le repos accumulé la semaine précédant la course est bien là.

Petit-déjeuner au riz au miel pour ne pas changer ce qui fonctionne, habillage bien chaud pour se rendre au parc.

Muni de la caisse fournie par l’organisation, je rejoins Marc et sa famille au complet à 4h30 pour rejoindre le plan d’eau.

Il fait vraiment frais, j’ai oublié ma frontale, mais rien n’est grave, je suis dans ma course.

A l’approche du parc, c’est toujours aussi impressionnant: des centaines de lucioles, de familles avec enfants, voire bébés sont déjà actifs à cette heure plus que précoce.

Conjointement avec Marc nous nous dirigeons vers notre rang, le Nr 23. Les vélos son posés à même le sol, car la veille un énorme orage a obligé l’orga à les déposer afin d’éviter tout dégât … mais tout est en place, pas de casse.

La pression faisant son effet, je serai un des premiers à visiter la cabine de toilettes … je vous épargne les détails !

On en profite pour saluer les quelques connaissances: Alain Siegel qui s’aligne pour son 7ème Embrunman (rien que ça !), Stéphanie Reymond (une pro dont j’ai fait la connaissance lors de mon stage en Espagne). Information importante donnée à l’occasion de ces salutations: il devrait pleuvoir à partir de l’Izoard. C’est donc décidé, je m’habillerait un peu plus pour la course … la suite de la journée montrera que c’était ma meilleure décision du jour !

La combinaison est enfilée aux 3/4 depuis un bon moment (pour se réchauffer!) et je patiente à la sortie du parc à vélo, sachant que le sas de départ ne peut pas contenir tous les concurrents. Très vite nous laissons passer les féminines et elles s’élancent à 5h50 dans le noir le plus complet. A peine le temps de respirer et nous y voilà: les portes du sas s’ouvrent et nous trottons jusqu’au bord du plan d’eau où nous patientons avant le départ. Je place mes lunettes entre mes 2 bonnets, ôte plusieurs fois la buée persistante … PAN ! C’est parti, il est 6h00.

La natation

Dès les premiers mètres c’est la cohue. Il faut dire que les herbes habituelles sur la partie droite du départ sont cette année bien plus hautes et gênantes et on a du se passer le mot parmi les participants qui « tirent » tous à gauche … gros embouteillage à la clé. Celui-ci durera pour moi jusqu’à la fin du 2ème virage, c’est à dire quasiment 1/2 tour ou 1km. C’est stressant et agaçant, mais la journée sera longue. Je m’applique donc à partir de là à poser ma nage en mettant de la cadence, en restant technique et en tâchant de ne pas y laisser trop de forces. A l’attaque du 2nd tour, j’appuie un peu plus, je me sens bien.

Je termine cette partie de la course sans encombre et sors en 1h04 à mon chrono. C’est conforme à mon niveau actuel.

T1: on ne perd pas de temps, en appliquant la routine de course. La tenue sera plus chaude qu’à l’accoutumée: haut manches longues « chaud » et petit gilet coupe vent.

Le gros morceau: le vélo

Un petit footing sur tapis afin de sortir du parc et c’est parti. Pas de surprise: on tourne à gauche, puis à droite, et c’est pour les 15 premiers km … de montée.

Le départ est prudent. Je cherche à tourner les jambes … et me retrouve tout à gauche ! Toujours dur de se mettre directement dans le rythme.

Première indication du jour: le petit raidillon à 16% passe sans que je ne m’en rende compte, bon pour le moral.

La suite est « under control » sur la première boucle de 40km (celle du CD). Ambiance tour de France au passage en direction des Orres. Il y a un monde fou, l’ambiance est assurée.

A la sortie de ce passage, c’est parti pour un no man’s land de 145km … séance d’introspection en perspective !

Je me surprends à rouler assez fort dans les gorges du Guil, mais je sais que je n’exagère pas. Un arrêt imprévu lié à un déraillement ne me fait pas sortir de mon rythme, et (hasard ou logique), je m’arrête au même endroit que lors de mes 2 premières participations pour une pause technique, aux alentours du km 70. C’est ce moment que le ciel a décidé de corser les conditions: une pluie fine s’invite. Elle ne nous quittera qu’au sommet de l’Izoard. Parlons-en de celui-ci: eh bien je n’étais vraiment pas à l’aise lors de son ascension … mais ça passe.

Le sommet atteint, pas de fioriture: échange des bidons vides pour des pleins. On recharge les poches avec barres, gels et sandwichs. J’attaque la descente détrempée vers Briançon.

La descente ne sera pas de tout repos, la faute au froid, aux projections d’eau … et à mes roues carbone ! Le choix était risqué mais au final payant: j’ai roulé tout le printemps avec mes roues fétiches, et je savais que je ferais l’Embrunman avec, quoi qu’il arrive. Elles m’auront causé une ou deux frayeurs (quand tu freines et qu’il se passe … ben rien du tout), mais je pense qu’elles sont à l’origine de mon aisance sur la fin du parcours.

J’arrive à Briançon, où la traversée du centre-ville a quelque peu changé. Direction les Vigneaux … et retour de la pluie. A partir de là c’est la guerre: les conditions se dégradent au fil des km, mais toutes les difficultés passent de mieux en mieux. C’est d’ailleurs toujours aussi étrange de se retrouver totalement seul des kilomètres durant.

Moment insolite: en pleine descente vers l’aérodrome, je vois un arbitre qui s’agite et nous ordonne de poser pied à terre, ce aue nous faisons. 20 mètres à pied sur un beau tapis et nous reprenons notre course. Cause de cette « transition » improvisée: un pont en rénovation …

Le retour se passe bien, malgré le fait que nous soyons détrempés. Retour vers Embrun pour affronter l’ultime difficulté: la montée de Chalvet. Je croise à son pied Guillaume qui est déjà sur le parcours pédestre. J’en profite pour l’encourager. La montée sera calamiteuse, mais c’est enfin la libération et la descente vers le parc. Cette descente est toujours aussi … pourrie ! C’est du VTT, et en plus c’est mouillé. Un dernier freinage prudent sur le tapis bleu. Je pose pied à terre.

T2: Je trotine vers mon rang Nr 23 où des bénévoles proposent des massages mais je n’en veux pas. Tout est en place, il ne faudrait pas trop de détendre ! N’ayant pas de serviette, j’utilise mon maillot vélo pour me sécher les pieds avant d’enfiler mes chaussettes (pas classe mais efficace). Je me chausse, visse la casquette, me charge en gels et c’est parti pour un petit footing bucolique de … 42km.

Run … ou l’inconnue

Pourquoi l’inconnue ? Simplement parce que le marathon à Embrun et moi, c’est une longue histoire … douloureuse aussi. Entre l’abandon au km 28 de 2012 et la marche interminable de 2013 j’ai quelques souvenirs sur ce parcours. Je pars donc prudemment, mais hyper concentré sur moi-même, sur ma foulée, mes sensations, mes chronos (surtout pour ne pas partir trop vite!). Le départ est prudent, il fait froid, mais je suis mobilisé. Ca ne dure pas 4km avant que la première bouffée de chaleur pointe son nez: pas de conditions extrêmes cette année, mais des changements climatiques incessants, des chaud-froid au gré des nuages. Cool de recevoir des encouragements incessants sur la première moitié du tour et de voir les connaissances: Brice, Nico (mon cousin), mes parents. Tout cela me pousse, et je me sens bien. Les montées se font à petite foulée, mais sans jamais m’arrêter de courir. Je me retrouve vite sur le « chemin de croix » (le retour vers Baratier et ses interminables bosses). J’arrive au ravito de Baratier et je le sais: la fin du tour, c’est du pur plaisir, tout en faux-plat descendant. Je termine donc ce premier tour dans les meilleures conditions et me fait surprendre par une tape amicale juste avant de passer au 2nd tour. Il s’agit de Guillaume qui s’apprête (déjà) à passer la ligne d’arrivée. Il terminera 8ème et premier Français en moins de 10h30 … RESPECT pour cette énorme perf !

Passage sur la ligne pour boucler le premier semi et je me sens toujours bien, même si les km commencent à peser. Je suis méfiant, en 2012 je me sentais au top et en l’espace de 500m je ne pouvais même plus marcher, avec la fin que certains connaissent … je reste donc mobilisé comme jamais.

Je m’arrête à mon ravito perso, me recharge en gels et emporte une petite bouteille remplie de mon breuvage favori (celui pour les courses, pas celui des soirées …). C’est reparti pour un (dernier) tour. La foulée reste propre, mais j’apprécie de plus en plus les quelques mètres marchés à chaque ravito. Ah j’oubliai: Brice m’avait annoncé Alain à 3min peu avant le passage au semi. Je repasse devant lui et il m’annonce 30″ … ça doit être dur pour Alain, pourtant un vrai roc. Pas le temps d’y penser que je le rejoins au ravito suivant. On échange 2 ou 3 encouragements et je poursuis.

Je passe la montée vers le centre-ville sans encombre, toujours au pas de course. La sortie du centre c’est la séance angoisse au passage des zones où j’ai « agonisé » en 2012. L’air de rien, ça met le doute et j’en ai la chair de poule ! Je poursuis, toujours un peu plus faible mais surmotivé. Je me recharge en énergie positive au km32 quand mon cousin m’hurle dessus en me martelant que j’ai bonne allure … s’il savait à quel point je lutte à ce moment …

Ce qui devait arriver arriva: après le passage sur le pont en fer au-dessus de la Durance je me mets à marcher dans la côte de « La Madeleine ». Pas bon, je le sais. Mais je suis focalisé sur le résultat et me remets à courir dès le sommet atteint et je rejoins le ravito suivant où un bénévole me propose une « douche » rafraîchissante car l’ambiance est soudainement devenue irrespirable. Je repars à bonne allure (enfin allure ressentie), et je me focalise sur le ravito de Baratier. Je le sais, après c’est gagné. Le cocktail gagnant sur cette course aura été le pain d’épices que je fais fondre dans la bouche avec du cola dilué, le tout agrémenté d’un petit gel de temps à autres (il y a mieux niveau goût et consistance, mais c’est drôlement efficace). Et là ça y est: j’atteints le ravito tant attendu. Je me ravitaille de mon mélange favori et pars confiant pour les 6-7 derniers km. Le faux-plat descendant est bien moins facile au ressenti qu’au premier tour, mais je me motive à l’écoute des commentaires venant de spectateurs inconnus: « tu as vu celui-là, il a bonne allure » ou « vas-y tu l’as fait » …

J’arrive rapidement sur la digue où je croise Marc qui m’annonce « sub 13h00, c’est top! », et dire que lui part pour encore 20 bons km ! Je traîne un peu la patte sur le chemin au bord du plan d’eau et ses montées casse-pattes mais j’arrive vers la zone de transition. Je remets un peu tout en place pour être présentable et elle s’ouvre enfin à moi: la dernière ligne droite ! Je m’y applique pour courir « propre », je jette un œil vers la gauche où sont postés mes parents, mon cousin et son amie et c’est la délivrance. Je passe la ligne en 12h37min. P….. jamais j’aurais cru passer aussi largement sous les 13h mais c’est fait !!!!!!!!!! YES !

L’après course

Comme d’habitude je n’ai ni chaud ni froid ni faim, juste très soif. Du coup je me dirige directement vers les massages, une bouteille d’eau et un verre de cola à la main.

Là surprise: pas de queue, je suis pris en charge quasi-immédiatement (je crois que ça ne m’est jamais arrivé!).

2 étudiantes kiné se chargent de faire passer au moins en partie les multiples contractures qu’ont généré le marathon. Cela me fera grand bien.

Je rejoins mon vélo, rassemble mes affaires et ne tarde pas car j’ai une grande sensation de froid. Étonnamment je me sens toujours aussi bien (normalement j’ai besoin d’une bonne heure allongé avant de retrouver mes esprits). A la sortie du parc, félicitations de mes proches puis nous nous dirigeons vers les autos. Je croise sur le chemin la famille de Marc qui me félicite en attendant qu’il en termine, ce qu’il fera peu après.

Le reste de la soirée sera un peu galère du fait des effets de la deshydratation avancée que j’ai subie: sensations de nausée sur le trajet retour, troubles de la régulation thermique (je me gelais à table et ai dîné dans mon sac de couchage …) puis la fin de (la courte) soirée se fera allongé sur mon lit, le Compex au taquet, avant de m’endormir profondément, la sensation du devoir accompli.

… Dédicace à ceux qui ont déjà vécu cela: se lever en pleine nuit pour aller aux toilettes qui se trouvent 1 étage plus bas … et mettre plus d’une minute pour 20 marches, ça n’a pas de prix !

Thierry, finisher Embrunman 2015 en 12h37min18s

Swim 01:04:24

Bike 07:21:49

Run 04:01:44

Il n’y a pas à dire, ce Nr 5 aura pour toujours une saveur particulière, et l’Embrunman est décidément une course envoûtante, si dure mais tellement belle …

Next one … 05.06.2016, sur la promenade des Anglais. Je sais que je ne serai pas le seul représentant de la Wantz sur place …

Si certains se sentent l’envie de vivre de terls moments, je compte aller en stage à Calella en Février et en Avril … avis aux amateurs.

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